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NEAL AND JORDANE

i won't let you go if we ever meet again

Si il y avait bien une chose que Neal devait accorder aux hôtesses d'accueil des grands hôtels de Melbourne, c'était leur ténacité. La jolie rousse qu'il avait dû manipulé n'avait pas cédé à ses avances et il lui avait fallu être très persuasif lorsqu'il avait tenté de la convaincre que le numéro qu'il lui demandait était celui de sa maîtresse, laquelle refusait de le voir depuis que lui-même avait choisi de rester avec sa compagne officielle. Un sourire naquit sur ses lèvres alors que les portes de l’ascenseur se refermait sur lui. Si ça n'avait pas été le numéro de chambre de Jordane qu'il avait cherché à obtenir, ç'en aurait presque été comique. L'hôtesse avait gobé son mensonge immédiatement. Presque trop rapidement.

Les étages défilaient, lentement. Neal se souvenait de cet hôtel. Lorsqu'il était arrivé à Melbourne avec Jordane, leur appartement était resté indisponible pendant plusieurs semaines. Ils avaient vécu ici, dans l'une des suites du dernier étage. C'était une période de leur mariage que Neal regrettait profondément, la plus heureuse aussi. Ils étaient jeunes, amoureux et insouciants.

— ω —
Le liftier leur avait jeté un drôle de regard, vaguement désapprobateur lorsqu'ils étaient entrés dans l'ascenseur. Ses escarpins à la main, les joues colorées d'un joli rouge soutenu, Jordane riait toute seule, légèrement ivre. Un bras dans son dos pour prévoir la chute qui n'était pas loin, Neal souriait, heureux. La soirée à l'ambassade s'était plutôt bien passée. Elle avait un peu trop bu mais ça n'était rien. L'ambassadeur avait semblé ravi d'une présence féminine aussi charmante, à l'instar de ses collaborateurs. C'était un homme d'une cinquantaine d'années aux yeux bleus très pétillants. Son empressement auprès de Jordane avait été tel que Neal s'en était senti gêné et, surtout, jaloux. C'était sans doute stupide. Son patron était marié, père de famille et il était beaucoup trop vieux pour Jordane. C'était stupide. Mais ça n'empêchait pas la jalousie. On ne contrôle pas ses sentiments, avait-il pensé.

Il ne pouvait pas non plus la contrôler. Jordane était une insoumise. Appuyée contre lui, dans cet ascenseur exiguë, sous la lumière rosée, elle était plus belle que jamais. L'attirant à lui, il déposa un baiser sur son front. « c'était.. bien, marmonna-t-elle, il y avait beaucoup.. de gens, beaucoup d'hommes surtout » continua-t-elle, dans son cou. Il frémit et tourna brièvement la tête vers le liftier. Le jeune homme, surprenant le regard de Neal sur lui alors qu'il observait Jordane, sursauta et se mit à rougir violemment. Penaud, il se détourna. « tu as surtout beaucoup bu » rectifia gentiment Neal, un sourire tendre aux lèvres. Elle pouffa. « je suis tout à fait sobre, Neal Jared St James » lâcha-t-elle, avant de se mettre à osciller dangereusement. Neal soupira, avant de passer un bras autour de sa taille. Il jeta rapidement un coup d’œil au compteur digital sur lequel les étages défilaient. Il en restait deux avant le leur. C'était bien assez.

De nouveau, Neal reporta son attention sur sa femme, presque affalée contre lui. Elle le regardait avec gravité. Il haussa un sourcil interrogateur. Elle prenait rarement ce regard là. « en fait, Neal, fit-elle soudain, je crois que je suis bourrée » C'était si soudain qu'il eut beaucoup de mal à ne pas éclater de rire. Un sourire large comme une porte cochère éclairant son visage, il jeta à Jordane un regard amusé. « oh tu crois ?! » ricana-t-il avant de se baisser. Il passa un bras sous ses genoux et la souleva. Elle voulut protester mais, cette fois, c'était lui qui avait le dessus. Cette fois seulement.

— ω —
Les portes de l'ascenseur étaient à peine entrouvertes que Neal s'engouffrait déjà dans le couloir qui s'offrait à lui. Il savait dans quel genre de chambres elle logeait. La Compagnie la voulait en vie. Il la ramènerait donc en vie. Un peu abîmée, peut-être. La dernière fois qu'ils s'étaient vus, c'était lui qui était reparti le bras en écharpe, une balle dans l'épaule. Presque malgré lui, il baissa les yeux sur ladite épaule. Il lui arrivait, parfois, de sentir de puissants élancements à cet endroit précis mais ça ne durait jamais longtemps. Cependant, Neal se sentait toujours aussi meurtri. Jordane l'avait trahie. Certes, les circonstances portaient à croire que c'était lui et lui seul qui l'avait dénoncée ; sans doute aurait-il dû lui dire qu'il ne travaillait plus pour l'ambassade mais pour la Compagnie, sans doute oui. Mais c'était elle qui, la première, lui avait menti. Ses parents étaient toujours en vie, contrairement à ce qu'elle avait affirmé. Alors, si elle lui avait menti là-dessus, Dieu seul savait ce qu'elle lui avait encore caché.

Sans bruit, il gagna la suite, laquelle n'était pas fermée à clé. Méfiant, Neal porta une main à son holster de ceinture. Il se séparait plus généralement de cette arme-là que celle qu'il portait à la cheville. C'était plus pratique mais l'autre était beaucoup plus discrète. « Jordane ?, appela-t-il, une fois à l'intérieur. Je sais que tu es là ! » Peut-être était-ce stupide de s'annoncer. Mais il.. préférait éviter la panique.

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Cela faisait déjà quelques temps que Jordane était de retour à Melbourne, elle tentait de se faire le plus discrète possible, après tout, elle ne savait pas encore réellement quelle manœuvre elle allait entreprendre, et revenir dans cette ville avait été bien plus douloureux qu'elle ne l'aurait pensé. Jordane avait l'impression que chaque recoin de la ville la ramenait à cette époque où tout était beaucoup plus simple, cette époque où elle était amoureuse, où elle était heureuse tout simplement. La jeune femme n'avait pensé qu'à sa vengeance en organisant son retour ici, elle n'avait pas réfléchit aux conséquences que ça aurait sur sa personne. Rien que le choix de cet hôtel là était la preuve absolue qu'elle était toujours rattachée à son passé. Malgré les années qui avaient passé depuis qu'ils avaient élu domicile quelques temps ici, elle avait l'impression que l'odeur de Neal emplissait complétement la pièce, c'était à la fois enivrant et totalement écœurant du fait de l'odeur de trahison qui y était collé. Jordane se rapprocha de la fenêtre et contempla la vue, ce paysage de Melbourne n'avait pas changé malgré les années, et elle avait toujours aimé les belles vues, à cette pensée un léger sourire plein de nostalgie se dessina sur ses lèvres. Elle aurait pu rester à cette fenêtre des heures durant, à ne penser à rien d'autres, avoir la tête vide n'était pas déplaisant compte tenu des circonstances, elle réfléchissait beaucoup trop et elle le savait, elle s'attendait à voir de la fumée sortir par ses oreilles à tout moment. Mais elle n'y pouvait rien, elle avait l'impression d'avancer dans un véritable labyrinthe avec les yeux bandés. Jordane était seule dans cette bataille ... désespérément seule. La solitude était un sentiment parfaitement détestable et la jeune femme ne savait pas s'y on pouvait s'y accommoder un jour ... En tout cas elle, elle ne s'y faisait absolument pas ...

Une vilaine impression la sortit de sa rêverie et lui fit froncer les sourcils, elle avait cru entendre le léger cliquetis de la porte, mais le bruit avait été tellement faible qu'elle n'était pas bien sure, mais c'était comme si un radar s'était déclenché en elle, et dans le doute Jordane était du genre à ne prendre aucun risque. Elle était pieds nus et à pas de loups, aussi légère que le vent, elle se rapprocha de son arme et la saisit … Puis son sang ne fit qu'un tour lorsqu'une voix s'éleva dans le silence de la suite « Jordane ? Je sais que tu es là ! » . Cette voix, elle l'aurait reconnu entre milles, ce n'était pas n'importe quelle voix … c'était celle qui lui avait murmuré des 'Je t'aime' à l'oreille, c'était Neal qui était là … ça ne pouvait être que lui, ou alors sa soudaine nostalgie lui avait provoqué des hallucinations. Comme la deuxième solution était peu probable, alors la première était malheureusement celle qui se déroulait. Jordane se mordit la lèvre inférieure, pendant une seconde elle se dit qu'elle n'avait qu'à rester immobile, là contre le mur qui les séparait, et qu'il s'en irait, mais elle le connaissait par coeur, il n'était pas du genre à renoncer et il savait qu'elle était là et il n'était certainement pas là par pure amitié...

La mâchoire de Jordane se crispa et elle sortit de sa cachette, sans un mot elle fit face à celui qu'elle avait tant aimé, et, comme si ils étaient retournés quatre ans en arrière, elle pointa son arme sur lui. Elle crut manquer un battement de cœur quand elle le vit mais tenta de ne rien laisser paraître. Neal n'avait pas tellement changé en quatre ans, il était peut être un peu marqué au niveau du visage mais il restait l'homme qu'elle avait connu en apparence. Jordane planta son regard droit dans celui de Neal, elle semblait plus déterminée que jamais. « Bonsoir mon amour... je t'ai manqué ? », dit elle d'un ton volontairement ironique. Neal l'avait trahi et tous les moyens étaient bons pour essayer de lui faire le plus de mal possible. Jordane ne savait pas trop par où commencer, elle n'avait pas prévu que cette confrontation entre les ex amants aurait lieu si tôt, elle ne s'était pas douté une seconde que la Compagnie pouvait savoir qu'elle était de retour, elle avait sous estimé la Compagnie et certainement là son erreur. Et il fallait bien avoué qu'elle ne pensait pas que c'était Neal que la Compagnie lancerait après elle. Jordane était donc perturbée par cette situation tellement inattendue, mais il était hors de question qu'elle le laisse gagner. Elle était déterminée, incroyablement têtue et prête à tout.

Jordane ne bougeait pas d'un pouce, son regard ne quittait pas les yeux de Neal comme si elle essayait d'y décrypter des informations, comme si ça allait lui donner les réponses qu'elle attendait. « Je ne vais pas te demander comment tu m'as retrouvé ici, j'ai peur de déjà connaître la réponse, par contre … Comment as tu su que j'étais de retour à Melbourne ou je devrais demander comment ils ont su que j'étais de retour ? » . Un tas de questions se bousculaient dans sa tête et elle avait soif de réponses, mais elle ne voulait pas non plus se précipiter. Et surtout, elle se demandait si elle était recherchée morte ou vive … Bon, la réponse à cette dernière question elle ne devrait pas tarder à l'avoir selon la tournure que prendraient les choses. Elle n'avait pas peur, elle avait déjà perdu beaucoup, cette envie de vengeance était certainement ce qui l'avait empêché de tomber dans une profonde dépression quand elle s'était rendu compte de la trahison de son mari.

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Elle était.. belle. C'était pathétique mais il avait soigneusement évité de se la représenter mentalement depuis quatre ans. Son visage s'était effacé lentement avec la disparition des photographies et de tout ce qui avait marqué de près ou de loin sa présence dans leur appartement. Dans son appartement. Il l'avait rayé de sa vie aussi vite qu'elle lui avait tiré dessus. Ça n'avait guère été simple, au début. Chaque objet, chaque pièce, chaque son, chaque odeur la rappelait à son souvenir. Neal avait dû se faire violence et se répéter inlassablement qu'elle l'avait trahie, qu'elle lui avait menti, qu'elle l'avait blessé et qu'elle était partie. Qu'elle ne reviendrait pas.

Certes, il avait eu tort. Pourquoi était-elle revenue ? C'était idiot, stupide même. La Compagnie avait pris de l'ampleur depuis son départ. Il était insensé de penser qu'elle pourrait passer longtemps entre les mailles du filet. Ils étaient partout, Neal était bien placé pour le savoir. Alors pourquoi avait-elle pris un tel risque ?

Le cœur battant, la main droite toujours sur son holster, l'agent de la Compagnie hésitait à sortir son arme. Il baissa brièvement les yeux sur sa femme ; elle-même était armée. L'ombre d'un sourire lugubre passa sur le visage de Neal. Évidemment qu'elle était armée. « Bonsoir mon amour, ironisa-t-elle, je t'ai manqué ? » Lentement, il dégrafa son holster. L'heure n'était pas à la diplomatie, en réalité, elle n'y avait jamais été. « follement, oui, répliqua-t-il sur le même ton, tout était tellement plus.. calme sans toi » Pour le coup, c'était la vérité. La vie avait été très calme, silencieuse. Plus personne ne l'attendait le soir, lorsqu'il rentrait ; plus personne ne le taquinait à propos de son obsession pour la sécurité ; plus personne ne se moquait de ses costumes trop formels ou de son trop grand professionnalisme ; plus personne n'enfumait l'appartement en oubliant ses pâtes sur le feu. Jordane n'était plus là.

Il l'observa. Elle n'avait guère changé, mûri plutôt. Ses cheveux bruns étaient plus longs, elle était plus mince. Son regard avait pris un regard dur qu'il ne connaissait pas. Ce n'était pas la même femme. Il sortit doucement l'arme du holster mais ne la pointa pas sur elle. Il n'attaquerait pas tant qu'elle ne passerait pas à l'action. Immobile, Jordane le fixait comme si elle eut voulu connaître ses pensées. Et Neal détestait ça, depuis toujours. Il détestait qu'elle essaye de le faire parler, il détestait qu'elle soit capable de détecter ses mensonges, il détestait qu'elle puisse lire en lui comme dans un livre ouvert. Pour autant, il ne parvenait pas à la détester elle. Il ne pourrait jamais.

Depuis qu'elle était partie, il avait élaboré plusieurs scénarii au cours desquels il lui expliquait que jamais, ô grand jamais il ne l'avait dénoncé. Puis, la colère aidant, il avait pensé l'arrêter, voire même la tuer. Sa trahison l'avait rendu amer, très amer. « Je ne vais pas te demander comment tu m'as retrouvé ici, j'ai peur de déjà connaître la réponse dit-elle, très calme, par contre … Comment as tu su que j'étais de retour à Melbourne ou je devrais demander comment ils ont su que j'étais de retour ? » continua-t-elle, en insistant sur certains mots. Neal éclata de rire. Un rire froid, glacial, un rire qui sonnait faux. Ainsi donc, elle était toujours profondément convaincue qu'il l'avait vendue à la Compagnie. Quelle petite idiote, songea-t-il, une tête de mule, oui. En réalité, qui pouvait réellement lui en vouloir ? Les circonstances avaient joué en la défaveur de Neal. N'importe qui aurait pensé que c'était lui et lui seul qui avait dénoncé Jordane. Or, c'était faux. Totalement faux. Mais elle ne l'admettrait sans doute jamais.

C'était elle qui, pourtant, l'avait trahie, elle qui lui avait menti, elle qui lui avait tiré dessus. Au souvenir de la blessure, Neal se crispa. Il aurait, un temps, souhaité la faire souffrir comme il avait souffert. Mais la vérité, c'était qu'il en était incapable parce que.. parce qu'il l'aimait. Au plus profond de lui-même, il était toujours irrémédiablement amoureux d'elle. Comme au premier jour. Mais tout ça était loin, très loin. Il y avait désormais trop de rancœur, trop de haine, de mensonges dans l'équation pour qu'il puisse tirer un trait dessus. La seule chose dont il était capable, c'était dire la vérité. En espérant qu'elle le croie. « contrairement à ce que tu penses, Jordane, lança-t-il, raffermissant sa prise sur son arme, j'ignore comment la Compagnie a appris que tu étais de retour. Je pensais que tu étais.. morte. Sans doute aurait-il mieux valu pour toi que ce soit le cas » ajouta-t-il, d'un ton plus triste qu'il ne le voulait. Il lui jeta un regard froid. La mort était un sort plus doux que celui réservé aux mutants capturés par la Compagnie. Il ne voulait pas que ça lui arrive, dans le fond, mais il devait l'arrêter. « les choses ont changé depuis que tu es partie, reprit-il tout bas, je ne peux plus te protéger comme autrefois. Ils savent qui tu es, où tu vis et qui tu fréquentes. Si ce n'est pas moi, c'est un autre qui viendra t'arrêter » C'était la pure vérité. Pour une fois, songea-t-il avec cynisme. Mais Jordane était butée, elle l'avait toujours été. Elle ne le croirait pas si facilement.

La mutante eut un sourire amusé quand Neal lui répondit aussi ironiquement qu'elle lui avait follement manqué, elle s'attendait à ce genre de réponse de sa part, ils avaient toujours été doués pour se lancer des joutes verbales, ça avait presque un coté rassurant de se dire que ça n'avait pas changé, ça avait un coté triste aussi. Jamais, au début de leur mariage, elle n'aurait pensé qu'ils en arrivent un jour à ce stade, à se défier, se menacer dans une chambre d'hôtel, comme deux parfaits inconnus qui se détestaient. Leur histoire était partie complétement en vrille, sans que ni l'un, ni l'autre ne puisse faire quoi que ce soit pour l'en empêcher, sans que personne ne puisse avoir de contrôle sur le déroulement des choses. « Contrairement à ce que tu penses, Jordane, j'ignore comment la Compagnie a appris que tu étais de retour. Je pensais que tu étais.. morte. Sans doute aurait-il mieux valu pour toi que ce soit le cas » Jordane écouta attentivement son petit discours, elle ne savait pas trop quoi en penser. Dans d'autres circonstances, elle aurait presque pu se sentir vexée par cette réponse. Tout d'abord, cela devait signifier qu'elle importait tellement peu pour lui qu'il n'avait pas demandé à ses patrons plus de renseignements sur le pourquoi du comment ils avaient appris son retour. « Morte ? Je n'allais pas te faire ce plaisir Neal ... »

Neal poursuivit son discours, « les choses ont changé depuis que tu es partie, je ne peux plus te protéger comme autrefois. Ils savent qui tu es, où tu vis et qui tu fréquentes. Si ce n'est pas moi, c'est un autre qui viendra t'arrêter ». Ce discours fit naitre un rire presque amusé chez la mutante, elle regarda Neal comme pour chercher un rictus qui pourrait lui signifier que c'était une blague qu'il venait de lui dire... Visiblement, il semblait sérieux ou plutôt il jouait extrêmement bien la comédie, Jordane ne le croyait pas, c'était un fait indéniable. Elle secoua la tête de gauche à droite en levant brièvement les yeux au plafond comme si elle était exaspérée. « Me protéger ? C'est comme ça que tu appelles ça toi ? Tu avais une drôle de conception de la protection. Tu sais protéger ne veut pas dire planter un couteau dans le dos de sa femme ... » . A travers son discours, on pouvait percevoir l'amertume dans sa voix, cette trahison lui avait laissé un arrière goût dans la bouche et rien ne pourrait l'en débarrasser. Jordane lui avait fait confiance, et il s'était empressé d'aller répéter tout ça à ses patrons, à la Compagnie, il était allé travaillé pour eux alors qu'il était au courant de tout le mépris que cette organisation provoquait en elle. Quelqu'un d'autre viendrait l'arrêter ? Jordane n'avait pas peur, ça faisait quatre ans qu'elle se cachait, elle en avait marre, sa vie n'avait plus aucun sens alors elle s'en était créé un … quitte à ce que ça la mette sérieusement en danger.

Jordane gardait son arme pointée sur Neal, quand on y pensait ça pouvait sembler ridicule, avec son pouvoir elle n'avait pas besoin d'arme pour se défendre, ni pour attaquer. Malgré les années d'entrainement pour le maitriser, son pouvoir gardait un coté effrayant et elle s'était promis de l'utiliser qu'en cas de force majeure, et surtout elle s'était promis de ne pas l'utiliser sur lui. Jordane était une femme de parole mais les choses avaient tellement changé qu'elle ne savait pas à quel point elle serait capable d'aller loin. « Je ne me laisserai pas prendre Neal, tu le sais aussi bien que moi... » dit elle en serrant les dents. Si on devait en arriver là, Jordane n'hésiterait pas … c'est son cadavre que Neal ramènerait à ses patrons. Au sein de la communauté des mutants, un tas de rumeurs circulaient sur ce qui arrivait à ceux qui faisaient capturer et peu importe laquelle était vraie, ce n'était pas beau à entendre. Rien que d'y penser provoquait des frissons le long de la colonne vertébrale de Jordane. Elle ne leur ferait pas le plaisir de devenir leur petit rat de laboratoire, rien que le fait d'être enfermé la ferait dépérir à vitesse grand V. De plus, elle s'était toujours demandé ce qui se passerait si la Compagnie mettait la main sur elle et donc sur son pouvoir. La strangulation est une véritable arme, à la fois un don et une malédiction, et utilisé à mauvais escient, Dieu seul savait les conséquences terribles que cela aurait. C'était un risque qu'elle ne pouvait pas prendre.

Jordane poussa un faux soupir d'ennui avant de reprendre la parole « Alors, comment ça se passe ? On va se regarder dans le blanc des yeux toute la nuit ?, son regard prit une teinte de défi et son sourire devint faussement amusé, « Ou alors je te tire dessus toute suite comme au bon vieux temps ? » . Bon certes, elle essayait plus de gagner du temps qu'autre chose, le temps qu'elle puisse réfléchir et trouver la solution à cet incommensurable bordel. Après tout elle avait une vengeance à accomplir, mais pas ce soir, pas comme ça, elle venait de se rendre compte que l'avoir en face d'elle la remuait plus que ce qu'elle aurait pensé. Durant quatre ans elle avait refoulé tout ces sentiments au plus profond d'elle même, ne voulant même pas y penser, mais là, à le voir, elle avait l'impression que la serrure du coffre dans lequel elle avait enfermé tout ça était sur le point de céder et qu'il fallait qu'elle lutte farouchement pour ne pas que tout explose.

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Elle n'abandonnerait pas. Jamais. « Morte ? fit-elle, avec une espèce de sourire étonné qui lui était propre. Je n'allais pas te faire ce plaisir, Neal.. » Il eut un sourire ironique. « Je m'en doutais, figure-toi » répliqua-t-il, acide. C'aurait été trop.. beau ? Était-ce donc cela qu'il voulait ? Qu'elle meure ? Neal serra la mâchoire. Il ne voulait pas qu'elle meure.

Elle eut un rire bref, légèrement amer en l'écoutant parler. Il fronça les sourcils, leva lentement son arme alors que Jordane la tenait pointer sur lui depuis son entrée. Neal détestait l'idée même de lui faire du mal. Ce n'était pas sain. « Me protéger ? riposta-t-elle, amère. C'est comme ça que tu appelles ça toi ? Tu avais une drôle de conception de la protection. Tu sais protéger ne veut pas dire planter un couteau dans le dos de sa femme.. » Il lâcha un soupir excédé. Bon sang, comment fallait-il le lui dire ?! S'appliquant à rester calme, Neal dévisagea sa femme. Son visage n'exprimait rien d'autre qu'un profond mépris et une amertume certaine. Elle croyait dur comme fer à sa trahison, à cette absurdité. Il faudrait déployer des efforts monstres de persuasion pour lui faire admettre la vérité.

Une minute passa. Silence. Respiration. Battements de cœur. Respiration. Silence. « Je ne me laisserai pas prendre Neal, tu le sais aussi bien que moi » dit-elle enfin. Ça, il le savait parfaitement. Il avait omis de le préciser à la Compagnie, lorsqu'on lui avait assigné le dossier de Jordane. Ils ne l'auraient jamais. Croire le contraire était une bêtise, une très grosse bêtise. Et c'était lui qui allait en assumer les conséquences. Seulement Neal n'avait pas l'intention de repartir une nouvelle fois avec une balle dans l'épaule. Tout comme il ne lui tirerait pas dessus.

Pour quelqu'un de l'extérieur, la scène devait être comique. Une femme et un homme face à face, pointant leur arme respective sur leur vis-à-vis, immobiles, tendus. Non, c'était pathétique. Pathétique et stupide. Ils étaient mariés. Ce n'était pas ainsi que leurs retrouvailles auraient dû se dérouler. Si elle n'avait pas été une mutante et lui un agent de la Compagnie, Neal l'aurait emmenée dîner dans un petit restaurant, ils se seraient un peu promenés puis il l'aurait ramenée chez eux. Il n'y aurait eu aucune violence, aucun mépris, aucun mensonge, juste du romantisme, de la passion. Pas cet affrontement froid et odieux.

Jordane soupira, visiblement agacée. Il la regarda, haussant un sourcil interrogateur. « Alors, comment ça se passe ? On va se regarder dans le blanc des yeux toute la nuit ? lança-t-elle alors que son regard prenait une lueur de défi qui ne plu guère à Neal. Ou alors je te tire dessus toute suite comme au bon vieux temps ? » Un sourire carnassier passa sur son visage. Ce n'était que du bluff. Ça ne pouvait être que du bluff. Jordane n'était pas une personne violente. Elle ne s'attaquait aux autres qu'en dernier recours. Mais du temps a passé, songea-t-il, et elle a dû changé. Seulement, il la connaissait par cœur. Ce genre de piques verbales était sa spécialité, sa marque de fabrique. Depuis qu'ils s'étaient rencontrés, elle passait son temps à le taquiner, à se moquer de lui dès que l'occasion se présentait. A vrai dire, il aimait ça. Elle le détendait, le rassurait par son esprit et son humour. Seulement quatre ans avait passé. Ils n'étaient plus ensemble. Il avait changé et elle aussi.

Pourquoi avaient-ils changé ? Elle l'avait trahie et — il fallait l'admettre — lui aussi. Mais ça n'était pas vrai, pas complètement. En somme, tout n'était qu'un malentendu. La vérité devait éclater. Neal en avait besoin. « il faut qu'on parle, dit-il, très calme, alors voilà ce qu'on va faire : tu vas baisser ton arme, la lancer derrière toi et faire trois pas en avant » Il savait pertinemment qu'elle n'avait pas besoin de ça pour s'en prendre à lui. Mais il était aussi conscient qu'elle n'utiliserait pas son pouvoir tant qu'il ne s'en prendrait pas à elle. « je n'ai pas l'intention de m'en.. de te tirer dessus, même si l'envie ne manque pas, crois-moi, reprit-il, cynique. Reste tranquille et tout se passera bien » C'était une impasse. Une véritable impasse. Il allait droit dans le mur. On lui avait donné des ordres, des ordres qu'il répugnait à exécuter. Pourtant, il avait décidé de les suivre. Mais il fallait qu'elle se dresse sur sa route. Encore. Il fallait qu'elle le détourne de son objectif. Encore.

Neal tenait toujours son arme à la main. Mais ce soir, il ne s'en servirait pas. Ce soir, il ne travaillait pas pour la Compagnie.

« il faut qu'on parle, alors voilà ce qu'on va faire : tu vas baisser ton arme, la lancer derrière toi et faire trois pas en avant» Très honnêtement, elle hésita, elle resta quelques secondes à ne rien dire, elle se contenta de le sonder au fond des yeux de Neal une nouvelle fois, elle ne pensait pas qu'elle pouvait lui faire confiance et une petite voix tout au fond d'elle même lui disait 'allez vas y tu peux le croire', cette petite voix elle tentait de la faire taire par tous les moyens sans y parvenir. Et d'un autre côté, elle n'avait nullement l'intention de tirer malgré ce qu'elle pouvait dire et, dans le pire des cas, son pouvoir était son cran de sureté … Trop de données remplissaient sa tête, elle ne s'attendait pas à ce qu'il lui propose de discuter. Et qu'est ce qu'ils pouvaient faire d'autres ? Parce qu'il y avait un fond de vérité dans sa phrase, ils étaient bien parti pour se regarder dans le blanc des yeux toute la nuit. Jordane était visiblement perturbée, pendant quelques secondes elle baissa légèrement son arme, puis elle la repointa sur Neal. « Et comment je peux savoir que tu ne vas pas me piéger une fois que je l'aurais jeter ? Je ne te fais aucune confiance Neal... » . Rien à faire, la confiance n'était vraiment pas là, elle ne pouvait pas se permettre de prendre de risque, elle n'avait pas fait tout ce chemin pour se faire prendre à la première rencontre avec Neal ou tout autre membre de la Compagnie. D'un signe de tête, elle désigna l'arme de Neal « Jette la tienne d'abord, après on pourra discuter si ça te chante … » Comme pour montrer sa bonne foi, elle baissa doucement son arme sans toutefois la jeter. Jordane était tel un chat, malgré son arme baissée elle était complètement aux aguets, prête à le redégainer en cas de besoin, elle avait les yeux rivés sur l'arme de Neal. Son coeur battait à tout rompre, elle le connaissait par cœur mais quatre ans étaient passés dessus, quatre ans de rancœur, de colère, alors elle n'était plus tout à fait sure de pouvoir prédire ses réactions comme elle le faisait autrefois.

« Je n'ai pas l'intention de m'en.. de te tirer dessus, même si l'envie ne manque pas, crois-moi. Reste tranquille et tout se passera bien ». Les paroles ne lui suffisaient pas, après tout ce qu'il s'était passé entre eux, une simple parole lui semblait bien trop peu. C'était terrible comme situation, penser qu'ils étaient là à se regarder en chien de faïence, alors qu'à une autre époque elle aurait mis sa vie entre les mains de son mari sans la moindre hésitation, sans y réfléchir une seconde. Depuis les problèmes qu'elle avait eut avec ses parents, Neal avait été le seul qui avait vraiment compter dans sa vie, son point de repère, le point d'ancrage, celui sur lequel elle pouvait se raccrocher en cas de besoin, grâce à lui elle s'était dit qu'au final ça en valait peut être la peine de s'attacher, qu'elle n'était pas forcément un poison pour ceux qui l'entouraient. Il était beau le résultat, il l'avait trahi, elle s'était enfuit, ils étaient génétiquement programmé pour se faire face, ce gêne de malheur qui faisait d'elle ce qu'elle était, une mutante. Parfois elle se demandait si elle n'était pas tout simplement une erreur, franchement quand on a touché le bonheur du bout des doigts et qu'il vous est arraché si soudainement, il y a de quoi se poser la question non ?

Jordane regarda de nouveau son époux, il n'avait pas bougé pour le moment, surement que ça tournait aussi vite dans sa tête que dans la sienne. Comme pour l'aider dans ses pensées elle prit de nouveau la parole « Si tu restes tranquille aussi il n'y a pas de raisons pour que je ne le sois pas... Je t'en donne ma parole … bien que je ne sois pas sure que tu y accordes un grand crédit. » Il y avait presque comme un brin de regret dans sa voix, c'était juste triste de voir ce que leur histoire était devenue...

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La confiance, une vertu qu'ils ne pouvaient se permettre de posséder, l'un comme l'autre, après tout ce qui s'était passé. Les mensonges, le mépris, la trahison. Il ne pouvait, ne pourrait plus lui faire confiance. Pourtant, il le devait. Ou ils n'avanceraient pas. D'un signe de tête, elle désigna son arme. « Jette la tienne d'abord, après on pourra discuter si ça te chante.. » dit-elle, avant de baisser sa propre arme à feu. Évidemment, songea-t-il. Mais Neal n'avait aucunement l'intention de se mettre volontairement à découvert, pas en sachant ce qu'elle était capable de lui faire sans être matériellement armé. Lentement, il remit son neuf millimètres dans son holster.

C'était ridicule. Autrefois, il lui faisait une confiance complètement aveugle. Il croyait chacun de ses mots, chacune de ses phrases, admirait chacun de ses faits et gestes, aimait tout d'elle. Aujourd'hui.. aujourd'hui Neal avait face à lui une étrangère, une ombre surgi de son passé, une personne capable de tout. Pourtant, une infime partie de lui-même persistait à croire qu'elle n'avait pas changé, qu'elle était restée la même qu'il y avait quatre ans. Que tout ça n'était que foutaise, chimère, rêve et qu'il allait bientôt se réveiller. Non, pas un rêve. Un cauchemar. Un véritable cauchemar.

Jordane reprit la parole, le regard fixé sur lui. « Si tu restes tranquille aussi il n'y a pas de raisons pour que je ne le sois pas. Je t'en donne ma parole, promit-elle, bien que je ne sois pas sure que tu y accordes un grand crédit » ajouta-t-elle ensuite. Un soupir souleva son torse. Il en avait assez de ces sous-entendus, de ces piques, de cette méfiance. Bon sang, ils étaient mariés ! Ne se devaient-ils pas un minimum d'honnêteté l'un envers l'autre ? « Je ne t'ai pas dénoncé, Jordane, cracha-t-il, glacial, je ne t'ai pas dénoncé, jamais. Pourtant, j'en ai eu l'occasion plusieurs fois, quand je.. quand j'y suis entré » Il se souvenait avec force de détails de son arrivée au sein de la Compagnie, des formulaires remplis, des questions, des interrogatoires. Ils voulaient tout savoir sur leurs agents : d'où ils venaient, où ils étaient allés, qui ils fréquentaient, ce qu'étaient et faisaient leurs conjoints. Tout, absolument tout. Neal n'était pas le seul à avoir omis de préciser qu'il était marié à une mutante. Lorsque la vérité avait explosé au grand jour — Dieu seul savait comment — ses collaborateurs et supérieurs avaient supposé qu'il ignorait tout de la nature de sa compagne. Il n'avait pas cherché à les détromper ; après tout, c'était sa sécurité qui était en jeu. Jordane était partie, ce n'était plus elle qu'il protégeait mais lui. Simplement lui.

Conscient que ce n'était que le début d'une longue discussion, il se débarrassa de sa veste qu'il jeta sur l'un des deux fauteuils que possédait la pièce et il remonta ses manches de sa chemise blanche. « Je ne voulais pas que ça parte en vrille, continua-t-il, sans la quitter des yeux, ils ne devaient pas apprendre qui tu étais. Je me suis efforcé de détourner certains soupçons mais un ou deux rapports ont dû échapper à ma surveillance. Je n'ai appris ta capture imminente qu'à la dernière minute » Si seulement elle avait essayé de comprendre ce qu'il lui disait, ce jour-là, ils n'en seraient pas là, amers, meurtris. Mais revenir en arrière était impossible. Ce qui était fait ne pouvait être défait.

Jordane fût soulagée de voir Neal baisser ranger son arme, elle ne s'attendait pas spécialement à ce qu'il s'en débarrasse après tout il savait tout aussi bien d'elle de quoi elle était capable, elle en était parfaitement consciente, il la connaissait aussi bien qu'elle le connaissait ! Du coup, elle rangea le sien aussi, de toute façon ce n'était pas comme si elle en avait réellement besoin, même si elle s'était promis de ne jamais l'utiliser sur Neal, si elle n'avait pas le choix elle le ferait certainement. Enfin … elle se disait ça mais elle n'était pas sure au fond d'elle d'en être réellement capable, malgré la situation, imaginer Neal dans un lit d'hôpital dans le coma, comme son père l'était, lui provoquait une profonde envie de vomir.

« Je ne t'ai pas dénoncé, Jordane, je ne t'ai pas dénoncé, jamais. Pourtant, j'en ai eu l'occasion plusieurs fois, quand je.. quand j'y suis entré ». Jordane ne put s'empêcher de lever les yeux au plafond. Comment voulait il qu'elle le croit ? Comment était il possible que ses patrons aient pu le découvrir d'eux même ? Jordane avait toujours été extrêmement prudente de ne pas attiré l'attention sur elle, alors comment ?
La mâchoire de la jeune femme se crispa sous les paroles de son cher et tendre époux... elle ne put s'empêcher de détourner le regard, ça lui écorchait radicalement les oreilles d'entendre ça. Sur le coup, elle ne dit rien, elle préférait le laisser finir ce qu'il avait à dire. En plus, ça lui empêcherait de répondre un peut trop sous l'impulsion, c'était pas plus mal compte tenu de son caractère de feu.

Neal poursuivit, « Je ne voulais pas que ça parte en vrille, ils ne devaient pas apprendre qui tu étais. Je me suis efforcé de détourner certains soupçons mais un ou deux rapports ont dû échapper à ma surveillance. Je n'ai appris ta capture imminente qu'à la dernière minute ». Jordane secoua la tête de gauche à droite, encore une fois elle se demandait comme cela pouvait être possible. Jordane en frissonna, le souvenir de ce soir là était encore vivace, tout avait tellement changé à partir de ce soir là. La mutante n'avait qu'à fermer les yeux pour se revoir tirer sur son mari, l'expression du visage de ce dernier était incrusté dans sa tête, elle aurait pu faire tout les efforts qu'elle voulait pour oublier, son expression était incrusté définitivement dans sa tête. « Bien sur, dans deux secondes tu vas me dire que toute cette histoire n'est qu'un malheureux hasard ? » Son visage prit à nouveau une expression plus dure tandis qu'elle le foudroyait du regard « Tu n'es qu'un menteur Neal c'est tout ! Comme de part hasard, ils ont découvert la vérité sur moi juste par enchantement ? Tu es le premier à savoir que j'ai toujours fait très attention à ne pas m'exposer... dit elle en grimaçant sous l'effet de la trahison, elle ressentait encore comme un coup de poignard en plein cœur rien qu'à y penser. « Bon sang Neal... Je te faisais confiance ! ». Très honnêtement, elle ne voyait pas pourquoi il voulait discuter avec elle. Qu'est ce que ça allait changer ? Elle était têtue comme une mule et elle ne le croyait pas, ce n'était pas deux ou trois phrases qui allaient changer les choses ce soir. Alors où allait mener cette discussion ? A quoi bon faire remonter toute cette histoire à la surface ? Faire remonter la douleur n'allait pas les mener bien loin et Neal savait qu'elle ne se laisserait pas emmener à la Compagnie donc, malgré toutes les options que Jordane tentait d'envisager dans sa tête... elle ne voyait pas l'issue de cette soirée.

NEAL AND JORDANE

i won't let you go if we ever meet again

Neal serra les dents devant la réaction de son épouse. Elle avait toujours été un peu tête à claques mais jamais elle ne l'avait autant agacée. Certes, la vérité était difficile à croire, à voir même. C'était compréhensible. Mais elle savait aussi bien que lui qu'il y avait une raison pour qu'ils n'en soient toujours pas venus aux mains.

Elle secouait la tête de gauche à droite en l'écoutant. A croire que Jordane le prenait pour un enfant déblatérant une histoire, une jolie fable pour limiter ses responsabilités. Ce n'était pas le cas. Des fautes, il en avait commise. Des erreurs d'inattention, des erreurs de jugement, oui, il en avait un certain nombre au compteur. Ne pas avoir prêter plus d'attention aux rapports de ses collègues était une énorme faute ; mais la plus grosse était sans doute aucun d'avoir menti à Jordane, par omission. Neal ne lui avait pas appris son changement de job. Elle n'aurait sans doute pas été d'accord pour qu'il parte travailler pour la Compagnie. Au début, du moins. Si il lui avait dit que ce n'était pour rien d'autre que la protéger, peut-être sa colère se serait-elle apaisée avec le temps. Faux, songea-t-il soudain, elle m'aurait reproché chaque jour d'obéir à la Compagnie et d'arrêter des gens comme elle. Et elle aurait fini par partir. Ça n'aurait pas été différent de la situation présente. Elle était partie, lui laissant comme souvenir une vilaine cicatrice à l'épaule et de violents élancements les soirs de pluie.

Sa voix claqua, sèche et le ramena du même temps sur terre. « Bien sur, fit-elle, avec dédain, dans deux secondes tu vas me dire que toute cette histoire n'est qu'un malheureux hasard ? » L'agent de la Compagnie fronça les sourcils, hésitant sur l'attitude à adopter. Les sarcasmes étaient une véritable arme, dans la bouche de Jordane. Elle maniait les mots avec autant d'aisance que lui utilisait son neuf millimètres. Immobile et muet, Neal serra les poings, se contentant d'observer sa vis-à-vis. Son visage s'était durci ; elle lui jeta un regard noir. « Tu n'es qu'un menteur Neal c'est tout ! cracha-t-elle soudain. Comme par hasard, ils ont découvert la vérité sur moi juste, par enchantement ? Tu es le premier à savoir que j'ai toujours fait très attention à ne pas m'exposer.. Bon sang Neal... Je te faisais confiance ! » C'en était trop. Il en avait assez de se battre. Il avait baissé son arme et sa garde, il lui offrait la vérité, sa vérité, une version de l'histoire qu'il n'avait raconté à personne. Et elle crachait dessus.

En deux enjambées, il franchit le court espace qui les séparait et attrapa son coude. Il sonda son regard durant quelques secondes. Elle ne cèderait pas. Jamais. Ça tombait bien, lui non plus. « Écoute moi attentivement, petite tête de mule, grinça-t-il entre ses dents, si réellement j'avais renseigné la Compagnie sur ton compte, cette pièce serait pleine de leurs agents et tu serais morte. Je me fous de ce que tu as fait pendant quatre ans, je me fous que tu sois persuadée que je t'ai balancé, je me fous de ce que tu fais et de ce que tu feras une fois que je serai parti. Seulement tu te trompes lourdement, Jordane » Il se tut, happé par ses grands yeux couleur chocolat comme autrefois. C'était là un joli mensonge, un très joli mensonge. Un odieux mensonge. Que pouvait-il dire d'autre ? Tout semblait si compliqué, soudain. Quatre ans avaient passé depuis qu'elle l'avait quitté. Ils étaient toujours mariés mais à vrai dire, Neal avait du mal à savoir ce qu'il voulait réellement et où il en était. L'aimait-il toujours, après les mensonges, après son départ et après cette balle qui avait non seulement troué sa peau mais son amour-propre, sa confiance en elle et ses sentiments ? Las, il soupira et ferma les yeux. Les images marquantes de leur histoire défilèrent dans son esprit : leur première rencontre, à Brown, leur premier rendez-vous, son premier rire à l'une de ses plaisanteries, les baisers, les caresses, les grandes discussions sur leur avenir, leurs nuits, tout. Sa mâchoire se crispa à l'idée que tout ça était définitivement derrière eux.

Il lâcha soudainement son coude et se détourna, refusant de la regarder davantage. « Je vais m'en aller, dit-il enfin, je ne t'ai jamais vue et tu ne m'as jamais vu. Je vais partir et je transmettrai ton dossier à quelqu'un d'autre. Et si ils ne veulent pas, je.. j'affronterai les conséquences » Il déglutit avec difficulté. Lâcher ces quelques mots lui avaient semblé plus difficile que de vivre toutes ces années dans l'idée qu'elle l'avait trahi. Tout ça parce qu'il l'aimait.

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